1991-2006 : la saga Blizzard (Warcraft, Starcraft, World of Warcraft...)
SOMMAIRE
Adulée par des millions de fans, Blizzard Entertainment est aujourd’hui une entreprise qui jouit d’un capital sympathie énorme auprès de nombreux joueurs. Pourtant peu prolifique en terme de jeux, elle a réussi à s’imposer grâce à des titres basés sur des franchises développées en interne et à un sens du détail incroyable. Mais revenons quelques années en arrière pour voir la fulgurante montée d’une compagnie qui, en 1991, ne comptait que trois employés...
De Silicon & Synapse à BlizzardRetour au sommaire
L’aventure commence en 1991 quand Allen Adham, Mike Morhaime et Frank Pearce fondent tous les trois Silicon & Synapse, une compagnie de jeux vidéo. Un nom signifiant selon Allen Adham « le mélange des ordinateurs et de l’esprit ». Les débuts de cette petite entreprise sont modestes : Silicon & Synapse s’occupe essentiellement de conversion de jeux pour Interplay.Les premiers vrais projets voient le jour deux ans plus tard, avec deux jeux ayant connu un certain succès sur console : Rock’n Roll Racing, et surtout Lost Vikings. Mais la petite entreprise des débuts souhaite se développer et se lancer dans des projets plus consistants. Le premier vrai tournant de Silicon & Synapse se produit en 1993 car si leurs premiers jeux connaissent un certain succès, l’entreprise a du mal à trouver des fonds et peine à payer ses dettes. Afin de se débarasser de la pression financière, Allen Adham et Mike Morhaime acceptent donc que Silicon & Synapse soit acquise par leur éditeur Davidson & Associates. La transaction se réalise, et pour moins de 10 millions de dollars Silicon & Synapse devient la division jeu vidéo de Davidson. Renommé pour l’occasion Chaos Studio (parce que, selon certaines rumeurs, Mike Morhaime pensait que personne ne savait ce qu’était une synapse) puis très rapidement Blizzard (suite à des problèmes de marque déposée avec Chaos Studios), le studio de développement se débrouille pour garder son indépendance, et se débarrasse de tous les problèmes financiers qui entachait son développement. Blizzard a désormais les moyens de se lancer dans de grands projets.
Le premier succès : WarcraftRetour au sommaire
Le premier Warcraft sort en en décembre 1994 et obtient un succès inespéré. Le jeu n’est pourtant pas révolutionnaire : c’est un énième clone de Dune 2, le précurseur des STR modernes, mais il se vend à plus de 100.000 exemplaires la première année. Une bonne nouvelle pour Blizzard, qui s’était profondément impliqué dans ce jeu en l’éditant lui-même. Le succès de Warcraft provient de l’univers cohérent et encore peu exploré dans le jeu vidéo du genre médiéval fantastique, avec ses Orcs et ses Humains, du gameplay travaillé, des graphismes superbes pour l’époque, et surtout de l'existence d’un mode multijoueurs. On retrouve déjà là les principes fondateurs des succès de Blizzard. Le deuxième épisode de cette franchise est développé dans la foulée du premier, dès janvier 1995. Les objectifs fixés depuis le début sont ambitieux : le jeu doit être beau et encore plus prenant que le premier. Pour cela, Warcraft 2 sera en haute résolution (en 640x480 et en SVGA, une révolution !), et possède un éditeur de cartes (chose très rare à l’époque), un multijoueurs conséquent, et surtout une campagne intéressante, avec une histoire cohérente entrecoupée de cinématiques époustouflantes. Déjà une « magie Blizzard » se dégage du titre, et le succès est immédiat. Warcraft 2 sort le 9 décembre 1995 et s’écoule à plus d'un million d’exemplaires en un an. Le jeu pose véritablement les bases du STR tel que nous le connaissons actuellement : sélection des unités au lasso, raccourcis claviers facilitant la micro-gestion (terme encore peu usité à l’époque), et deux camps parfaitement équilibrés pour jouer en réseau. Réalisé en une grosse dizaines de mois (délai inconcevable aujourd’hui pour Blizzard), Warcraft 2 est LE jeu qui imposera le nom de la société.
Diablo et Blizzard NorthRetour au sommaire
Dans le même temps, Blizzard acquiert le studio de développement Condor en février 1996. Condor est une petite entreprise fondée en 1993 par trois jeunes inconnus : David Brevik, Max et Erich Schaefer. Comme Silicon & Synapse, Condor s’est d’abord occupé de conversions (notamment sur Justice League Task Force pour Super Nintendo), puis se lance en 1994 dans un projet propre, un jeu de rôle au tour par tour où l’on pourrait tuer des monstres au bout de quelques minutes de jeu, au nom étrange de Diablo. Condor cherche des contacts pour financer son jeu lors du CES de Chicago en 1994, et c’est lors de cet événement que Eric et Max Schaefer rencontrent Allen Adham. Intéressé par le projet et désireux de produire plus de jeux pour un marché alors en pleine expansion, Blizzard signe un contrat avec Condor pour prendre part au financement du titre.Durant l’année 1995, le développement de Diablo bat son plein, et surtout connaît un tournant majeur en faisant passer le jeu en temps réel : dans une vue isométrique, des monstres apparaissent à l’écran, le joueur clique dessus et le monstre est tué. Condor rajoute à cela un soupçon de jeu de rôle, avec un inventaire à gérer, des loots aléatoires, et surtout des cartes générées aléatoirement. Le Hack and Slash moderne est né (et non pas inventé, comme aime à le répéter aujourd’hui Blizzard). Le projet initial est complètement remodelé et s’annonce de plus en plus prometteur, à tel point qu’à la fin de l’année 1995, Blizzard désire acquérir Condor. Les deux équipes s’entendant bien, l’acquisition est signée rapidement en février 1996, et Condor prend le nom de Blizzard North (North parce que le studio est situé à San Mateo en Californie, près de San Francisco, au nord du siège de Blizzard situé, lui à Irvine, près de Los Angeles).
Le développement du jeu va prendre plus de temps que prévu, si bien qu'il ne sort finalement le 27 décembre 1996. C’est la première fois que Blizzard rate la date clé de Noël pour avoir le temps de fignoler un titre au maximum. Les développeurs de Blizzard North pensent qu’ils ont commis une erreur en le sortant après cette date fatidique, et espèrent au mieux en écouler une petite centaine de milliers d'unités. Comme Warcraft 2, le nouveau-né de Blizzard North dépasse le million d’exemplaires vendus en un an. Le succès de Diablo tient pour beaucoup à son multijoueurs, ou plutôt à l’ambitieuse plate-forme multijoueurs développée par Blizzard : Battle.net. Lancé en janvier 1997, Battle.net permettait (et permet toujours) de jouer gratuitement à Diablo avec d’autres joueurs sur Internet en cliquant sur un simple bouton. Stables, rapides et faciles d’accès, les serveurs de Battle.net ont très rapidement séduit des milliers de joueurs, leurs permettant pour beaucoup de jouer pour la première fois sur Internet sans passer par des manipulations techniques pas toujours simples à l’époque. Battle.net reste encore aujourd’hui le meilleur moyen d’auto-promotion que Blizzard ait pu sortir : cela lui permettait (et lui permet encore) de fédérer une véritable communauté accrochée aux moindres annonces que peut lancer l’entreprise sur les canaux de discussion.
C’est aussi avec Diablo que Blizzard a compris l’importance de réaliser des jeux sans tenir compte des dates de sorties. Entre 1996 et 2005, Blizzard n’a sorti en moyenne qu’un jeu par an, en comptant les extensions. Peu importe alors les retards, puisque les effets d’annonces et une communauté fidèle assurent des ventes conséquentes. Avec plus de deux ans de retard, les jeux Starcraft et Diablo 2 en sont les parfaits exemples.
La consécration : Starcraft et Diablo 2Retour au sommaire
Warcraft 2 et Diablo propulsent littéralement Blizzard au statut de studio de développement majeur sur la scène du jeu vidéo. La communauté Blizzardienne est essentiellement américaine et européenne (en novembre 1997, Blizzard se targue d’avoir plus d’un million de joueurs inscrits sur Battle.net, chiffre évidemment difficilement vérifiable) et aspire à pénétrer le territoire asiatique pour renforcer sa position internationale. C’est chose faite avec Starcraft, dont le développement s’est réalisé dans la douleur.Le 14 avril 1996, lors de L’ECTS, à Londres, Blizzard annonce la sortie de Starcraft pour l’hiver suivant. Les premières images du jeu sont montrées lors de l’E3 et jugées décevante par la presse. De fait, cette version n’est rien que moins qu’un Warcraft 2 dans l’espace : même moteur (qui commence à dater) et même interface. Les développeurs repartent de l’E3 conscients qu’il est nécessaire de revoir leur copie, et retardent la sortie du titre. Après deux ans de retards et de (très) nombreux remaniements (dont le moteur graphique réalisé en à peine trois mois), Starcraft sort finalement en avril 98. Une fois de plus, le succès est immédiat : en trois mois, le jeu se vend en trois millions d’exemplaires, et devient rapidement la nouvelle référence du STR (avec Total Annihilation, jeu beaucoup moins exposé médiatiquement). Tous les éléments du jeu Blizzard « type » sont présents : campagne scénarisée intéressante, cinématiques à foison, juste équilibre entre les trois races du jeu, graphismes un peu « cheap » pour l’époque, mais dotés d’un design cartoon très soigné. Surtout, Battle.net permet à Starcraft d’être pendant quelques années le jeu le plus joué sur Internet au Monde. L’année suivante, Brood >ar, son extension, sort et parachève le gameplay presque parfait du jeu. Indéniablement, Starcraft est une véritable consécration pour Blizzard du point de vue de la qualité et du suivi de ses jeux.
1998, c’est aussi l’année où l’énigmatique Warcraft Adventures est suspendu. Annoncé une année plus tôt, Warcraft Adventures devait être un jeu d’aventure en point and click basé sur l’univers de Warcraft et «sous-traité» (ou plutôt « sous–développé ») par une société russe, Animation Magic. C’est un jeu que Blizzard évoque très rarement dans ses interviews. A peine trouve-t-on sur le site de l’entreprise une réponse à ce sujet dans la FAQ, qui explique rapidement que Warcraft Adventures n’était pas en phase avec les technologies de son époque, et (surtout) ne répondait pas aux critères de qualité que l’entreprise californienne s’impose. Une annulation qui aura en tout cas fait pleurer bien des fans de l’univers de Warcraft…
Annoncé initialement pour la fin 98, Diablo 2 est un autre jeu Blizzard qui a connu plus de deux ans de retard. Après l'avoir annoncé lors de L’ECTS en septembre 1997, Blizzard va distiller les informations et les screenshots au compte-gouttes durant les trois années de développement, et à quelques mois de la sortie organise deux bêta-tests (une première session privée de 1.000 participants, une seconde semi-privée avec 100.000 participants). Durant son développement, le jeu subit de nombreux remaniements, et connaît finalement un vaste succès lors de sa sortie : un million d’exemplaires sont écoulés en trois mois. Ces nombreux retards dans les jeux de Blizzard sont à chaque fois justifiés de manière identique : « la magie Blizzard », comme aiment à l’appeler les employés de la prestigieuse société, demande beaucoup de temps. Cette « magie » tient à toutes les composantes que nous avons précédemment vues dans les titres Blizzard : sensation de vivre l’histoire, cinématiques immersives, gameplay travaillé, et durée de vie conséquente. Mais Blizzard s’aperçoit aussi que les retards entraînent des effets d’annonces bénéfiques. Plus les joueurs attendent, et plus ils en parlent. Ni Warcraft 3, ni World of Warcraft n’ont échappé à la règle.
L’institution : Warcraft III et World of WarcraftRetour au sommaire
Le cinq septembre 1999, après un teasing de quelques jours, Blizzard annonce Warcraft 3, et affiche pour la suite de sa franchise des ambitions qui pourraient aujourd’hui faire sourire. En décortiquant le communiqué de presse de l’époque, on peut voir Blizzard annoncer qu’il pense avoir fait le tour du jeu de stratégie en temps réel avec Starcraft, et veut franchir une nouvelle étape dans le gameplay en créant le RPS, pour Role Playing Strategy Game. Le principe est simple, et sur le papier réellement innovant : fini les jeux de stratégie sans âmes, place aux leaders charismatiques et puissants à la tête de petits groupes d’unités. Les héros ne sont en soit pas un coup de génie de Blizzard, ils sont plutôt la réponse de la société aux demandes des fans de Starcraft qui avait adoré le concept des héros dans la campagne, concept qu’ils jugeaient (avec raison) sous-exploité. Le jeu est annoncé en 3D, comportant six races différentes (les orcs, les humains et les démons sont d’abord annoncés, avant que Blizzard ne retire les démons, informe qu’il n’y aura finalement que cinq races, puis quatre, puis dévoile les Morts-vivants et les Elfes de la nuit, tout ça en deux ans !), et de nombreuses quêtes que devront réaliser les héros. Exactement ce que Spellforce a réalisé un an plus tard, en somme. Ce projet initial est rapidement abandonné car jugé non viable en terme de gameplay, et le jeu retrouve vite un aspect plus classique de STR amenant tout de même son lot de nouveautés. Et quelles nouveautés ! Comme à chaque fois, le jeu connaît un retard de trois années, et est acclamé tout autant par la critique que par le public lors de sa sortie en juillet 2002. Les héros prennent toute leur ampleur dans ce nouvel épisode. Le principe simple de les faire monter de niveau (« creeper » dans le langage Warcraftien) en combattant et lootant des objets est à bien des égards le point fondateur du gameplay du jeu, et donne toutes ses lettres de noblesse au micro-management. Et, bien sûr, le parfait équilibre entre les races associé au maintenant rodé système multijoueurs Battle.net, assure une durée de vie incroyable. La magie Blizzard fait une fois de plus son effet : des graphismes cartoons très agréables à l’œil, une campagne épique qui se vit comme un film ; bref un plaisir de jeu décuplé. Et un succès largement mérité.
2002 c’est aussi l’année où est annoncé, toujours lors de l’ECTS, à Londres, Starcraft Ghost, un jeu d’infiltration exclusivement développé pour consoles, et qui va vite devenir le nouveau Warcraft Adventures de Blizzard. Après plus de trois ans de développement, Blizzard a annoncé il y a peu qu’il arrêtait le développement de Starcraft Ghost, et que la société s’intéressait désormais de près aux consoles nouvelle-génération. Les raisons sont les même que pour Warcraft Adventures : un jeu jugé moyen, qui ne répond pas aux critères de qualité maison. On peut aussi ajouter que les retards successifs n’ont pas aidé le développement : Blizzard, après plus de trois ans de retards, a raté le coche des consoles « old-gen » (comprendre GameCube, Playstation 2 et X-Box), et n’a pas vu venir les consoles « next-gen » (X-Box 360, Playstation 3).
World of Warcraft est le dernier succès en date de Blizzard. Et au vu des résultats affichés par ce jeu, il n’y a pour le moment pas trop de soucis à se faire pour l’avenir de l’entreprise. Annoncé en septembre 2001, le titre est évidemment retardé, et sort finalement le 22 novembre 2004 aux Etats-Unis. Il affiche aujourd’hui le succès qu’on lui connaît, dépouillant tous les autres MMORPG de leurs joueurs. Aujourd’hui, Blizzard annonce plus de 6 millions de joueurs de World of Warcraft à travers le monde, et va certainement en attirer encore plus avec la prochaine extension The Burning Crusade. La recette Blizzard est toujours présente : les développeurs n’ont pas créé de révolution du genre, ils ont repris un gameplay déjà existant et l’ont amélioré en incorporant la magie Blizzard.
En 2002, Blizzard est bien installé dans le monde du jeu vidéo. La société jouit d’un respect assez rare de la part des joueurs, et affiche une belle santé financière. Les titres de ses principales franchises se sont tous vendus à des millions d’exemplaires, et Blizzard se prépare à entrer sur un marché jusque là assez fermé, celui des MMO. Pour autant, ces trois dernières années n’ont pas été les plus faciles. Si Blizzard se porte plutôt bien, ce n’est pas le cas de sa maison-mère, Vivendi, qui est surendettée et essaye en 2003 et 2004 de revendre sa division jeu Vivendi Universal Games pour éponger ses dettes. Ce qui finalement n'aura pas lieu. Toutefois, cette politique ne plaît pas à certains dirigeants de l’entreprise, dont Bill Roper, alors Vice-Président de Blizzard, ainsi que Eric et Max Schaefer, fondateurs de Blizzard North. Ceux-ci donnent leur démission début juillet 2003, et fondent un nouveau studio de développement, Flagship Studios, qui développe actuellement le très prometteur Hellgate : London. Autre coup dur, cette fois en 2004, avec le départ de Michael Morhaime en janvier : le co-fondateur de Blizzard décide alors de se tourner vers la finance, mais reste quand même consultant extérieur dans l’entreprise. Autant de départs des « pères fondateurs » responsables des licences à succès et créateurs de la «magie Blizzard » qui font craindre pour l’avenir de Blizzard, même si des développeurs aussi talentueux ont pris leurs places, à l'image de Shane Dabiri.