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Publiée le 26/10/2006 à 00:10, par Genseric

Les séries cultes du jeu vidéo : The Elder Scrolls

Avec Oblivion, la tétralogie des Elder Scrolls touche peut-être à sa fin. Arena, en 1993, Daggerfall, en 1996, Morrowind en 2002 et donc Oblivion en 2006, voilà les quatre jeux de rôle qui ont le plus marqué leur époque sur PC. Autopsie d'une saga épique.

Le jeu de rôle : sa vie, son oeuvreRetour au sommaire
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Tout a commencé par là...
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La série s'inspire allègrement du jeu de rôle sur table.
Avant de parler de jeu de rôle sur PC, il est peut-être bon d’évoquer le « vrai » jeu de rôle. Enfin, celui auquel il est fait référence lorsque l’on parle de RPG (ou Role Playing Game). Le « vrai » jeu de rôle se déroule autour d’une table et rassemble deux catégories de joueurs : le Maître du Jeu (ou quel que soit le nom de sa fonction, Gardien des Arcanes, Maître du Donjon, Narrateur…) et les joueurs. L’action consiste à parler et à imaginer. Ainsi qu’à lancer quelques dés, si le système utilisé le préconise. Ce n’était qu’une question de temps avant que le jeu de rôle sur table soit adapté sur micro-ordinateur. Et dans l’histoire du jeu sur ordinateur, ce fut même relativement précoce. Le système de règles chiffrées, les univers fantastiques, le principe de l’incarnation d’un personnage fictif… Tous les éléments étaient réunis pour assurer le succès d’une transposition informatique.

Et Bethesda Softworks créa la série des Elder Scrolls (les Parchemins des Anciens). Alors que jusque là, les jeux de rôle PC se voulaient avant tout un vague reflet de ce qui se passait originellement autour d’une table, les développeurs américains de Bethesda voulurent se rapprocher un peu de la liberté du « vrai » jeu de rôle. Même si jamais, sans doute, le codage et les restrictions du mode informatique ne permettront la légèreté et l’absence de contraintes de l’imagination pure. Dans un jeu vidéo, même le plus perfectionné, on ne peut finalement faire que ce qui a été prévu par les développeurs. Sur table, il sera toujours possible au Maître du Jeu d’improviser pour s’adapter aux choix des personnages, donc des joueurs. C’est ce qui fait, sans doute, que le « vrai » jeu de rôle a encore de belles années devant lui, même par rapport aux jeux massivement multijoueurs. Et puis, il y a le contact humain et la pizza froide partagée entre deux sodas…

1993 - The Elder Scrolls : ArenaRetour au sommaire
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Il fallait bien qu'on vous en montre un, de parchemin.
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Le monde de Tamriel. Un nom à la consonnance elfique, selon le Professeur Tolkien.
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Les amateurs de dungeon crawling ne seront pas en reste.
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La série a toujours géré les différentes conditions climatiques.
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Prisonnier : une vocation dans la série !
C’est en 1993 que sort le premier épisode de la série des Elder Scrolls, baptisé Arena. Tranchant avec ce qui avait été fait jusqu’alors en matière de jeux de rôle sur PC, Arena proposait un univers d’une étendue jamais égalée (et elle ne l’est toujours pas, même de nos jours). Pensez : Tamriel, un continent médiéval fantastique contenant une dizaine de provinces, près de 400 villes et villages, un millier de donjons aléatoires, des quêtes secondaires à profusion et une quête principale aux dimensions épiques… Le tout était animé par un moteur 3D qui, s’il apparaît comme archaïque aujourd’hui, était tout de même assez intéressant à l’époque. Arena s’illustrait en outre par sa richesse et par sa profondeur. La création du personnage rivalisait de précision avec celle des jeux de rôle papier, offrant de multiples combinaisons de races et de professions, sans compter l’équipement, varié et apparaissant sur la représentation graphique de votre héros, sur sa feuille de personnage.

Techniquement, Arena était incontestablement une avancée puisqu’on peut le comparer à un jeu sorti la même année, un certain Doom. Bien entendu, c’était du gros pixel en vue rapprochée, mais nous étions alors en 1993. Les villes étaient immenses, avec des bâtiments variés comprenant des temples, des guildes, des commerces, des maisons particulières, des tavernes… Les donjons étaient vastes et intégraient des rivières de lave en fusion… Seuls les extérieurs étaient relativement lassants, monotones et uniformément plats. Dans une habitation ou un donjon aussi, la platitude était de rigueur. Mais c’est bien entendu dans la nature sauvage que le manque de relief se faisait le plus ressentir. Mais que voulez-vous ? Il y avait tout de même une sacrée superficie à gérer ! Maintenant, s’ils manquaient de collines et de montagnes, les extérieurs existaient bel et bien avec force fermes isolées, auberges de grand chemin, villages sans murailles et bosquets de druides ou de sorcières… Sans compter les entrées de donjon. Le bestiaire d’Arena valait également le détour, avec un nombre de créatures particulièrement alléchant, des rats féroces aux trolls surpuissants, en passant par les classiques orques, squelettes animés et araignées géantes. Bien entendu, les humains et autres races jouables pouvaient aussi devenir des adversaires redoutables.

L’histoire faisait de vous un prisonnier, détenu pour on ne sait trop quelle raison dans les geôles d’un bled paumé. Une silhouette éthérée vous apparût pour vous faciliter l’évasion. En contrepartie de quoi elle vous demandait de réunir les différents morceaux d’un sceptre magique qui allait vous permettre d’affronter votre ennemi ultime : Jaggar Tharn, le magicien impérial qui s’était substitué à l’Empereur lui-même, renvoyant le bon souverain dans un plan extérieur, l’équivalent en Tamriel des enfers : Oblivion. Chaque morceau du sceptre était conservée dans un donjon différent dont il allait d’abord falloir découvrir la localisation.C’est ainsi, allant d’indice en indice, que vous alliez écumer les différentes provinces de Tamriel, choisissant votre voie parmi celles du guerrier, du magicien, du prêtre, du voleur ou de l’assassin, sans compter les professions hybrides, mettant vos talents au service de différents commanditaires, vous équipant des meilleurs objets de l’empire et peaufinant votre technique au combat ou au lancer de boules de feu.

Le système de règles d’Arena était lui aussi digne d’un jeu de rôle papier. Des caractéristiques (sur 100) dressaient le profil général du personnage, ses valeurs générales. De celles-ci, mais aussi de sa profession et, surtout, de son expérience, découlaient des compétences, réparties en genres. Il y en avait pour tous les goûts : magie, combat, social… Lorsqu’il atteignait un certain nombre de points d’expérience (en tuant des monstres, par exemple), le personnage passait au niveau supérieur, débloquant des points à distribuer parmi ses compétences. Cela marchait relativement bien. Pour le combat, on voyait apparaître le bout de l’arme que l’on utilisait à l’écran, en vue subjective, et chaque coup au but donnait lieu à une grosse explosion d’hémoglobine. Tout cela se règlait à la souris, et ne souffrait pour l’époque d’aucun gros défaut en matière d’ergonomie. Mais il convient aussi d’aborder le revers de la médaille, qui est d’ailleurs devenu la tristement célèbre marque de fabrique des studios de développement de Bethesda : les bugs.

Arena, tel que vendu dans le commerce, était tout bonnement impossible à terminer en raison d’un nombre de bug conséquent, rendant certaines quêtes, comme la quête principale, par exemple, inopérantes. Bugs d’affichage, de son, de programmation interne, de gestion de moteur 3D, plantages successifs et redondants, quêtes pas finies… Bien entendu, les patches se sont succédés jusqu’à la version plus ou moins stabilisée que l’on connaît aujourd’hui ; et pour l’occasion, il n’est pas inutile de rappeler qu’elle est disponible gratuitement via le site des Elder Scrolls, depuis 2003 (pour son dixième anniversaire).


1996 - The Elder Scrolls : DaggerfallRetour au sommaire
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Les villes de la Baie d'Iliac se distinguent selon leur région.
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Les quêtes proposées vous feront rencontrer les grands de ce monde.
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Bon... Ce n'est pas la pochette la plus racoleuse du monde...
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Expéditifs, les combats ont toujours tenté d'innover.
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Daggerfall permettait au joueur de s'acheter un cheval, une cariole et même un navire.
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La Baie d'Iliac dans son ensemble... Un beau terrain de chasse !
Après le succès rencontré par Arena, le premier volet des Elder Scrolls, Daggerfall se devait de frapper un grand coup. Les rumeurs les plus folles se mirent, peu avant sa sortie, à circuler, prétendant que l’on y trouverait telle ou telle chose, de quoi alimenter les fantasmes d’un joueur assidu. Et la révolution eut lieu en 1996. Mais au départ d’une petite déception. Bien qu’il ait toujours pour cadre le monde de Tamriel, l’épisode n’allait permettre aux joueurs l’accès qu’à une petite région du vaste continent : la Baie d’Iliac (ou Iliaque, selon les traductions). Pour autant, cette portion de terre entourant une sorte de mer intérieure, la fameuse baie éponyme, n’en était pas moins large, avec une douzaine de territoires, des petits royaumes, dont le climat allait du tempéré au désertique, sans compter que les cimes enneigées étaient également accessibles aux voyageurs téméraires.

Si le territoire de Daggerfall est plus restreint que ne l’était celui d’Arena, c’est sans doute parce que les développeurs voulaient gagner en définition et que modéliser de la même façon une région et un continent aurait posé un défi technique que les programmeurs, chez Bethesda, n’étaient pas prêts à relever. Car la Baie d’Iliac est en effet nettement plus définie. Les cités sont immédiatement identifiables pour les plus grandes d’entre elles par un style architectural propre, un climat différent, des autochtones et une sorte d’atmosphère qu’il est difficile de retranscrire. Moins nombreuses que dans Arena, elles sont plus grandes et mieux peuplées, avec leur lot de commerces, de temples, d’auberges… Mais aussi avec la possibilité d’en devenir un habitant. Car il vous était possible, dans Daggerfall, de vous acheter une maison. De la simple masure au petit manoir, selon votre budget. Cela n’apportait pas grand-chose au jeu, si ce n’est que vous faisiez l’économie des chambres d’auberge et que vous disposiez d’un espace de stockage illimité.

Daggerfall permettait aussi de voyager à cheval, voire en tirant une charrette. Vos déplacements s’en trouvaient accélérés… Enfin, pas toujours. Certains personnages, bien gonflés, pouvaient courir plus vite qu’un cheval au galop. Ceux qui sont devenus vampires savent de quoi je parle. De plus, tirer une charrette rendait votre monture plutôt lente et ne vous avantageait qu’en espace d’inventaire. Mais il est vrai que la richesse des fournitures de Daggerfall rendait cette capacité très intéressante. A noter qu’on pouvait aussi s’acheter un bateau, mais ce dernier achat, pour coûteux qu’il fut, ne servait pas à grand-chose. Ce deuxième opus de la famille des Elder Scrolls allait révéler chez la plupart des joueurs un goût prononcé pour les poupées… En effet, il allait rapidement devenir une habitude de s’équiper non seulement en épées et en parchemins, mais aussi en habits : tenues de soirée, tenues de ville, tenues de travail… On en venait à repasser chez soi, à ôter son armure et son heaume, à enfiler un beau costume et à aller rendre visite aux notables de l’endroit, pourvoyeurs de missions par excellence. Quelle autre série offrait une telle immersion, une telle profondeur ?

Techniquement, le moteur de jeu s’était adapté à ce qui se faisait en matière de FPS (pour rappel, 1996 est l’année de sortie d’un certain Duke Nukem 3D) : désormais, il y avait du relief et il était possible de sauter, de s’accroupir, de nager… Les chutes et les collisions étaient gérées, même si concernant ces dernières, de nombreux bugs étaient rapportés. Il était désormais possible de faire la course sur les toits des maisons, de viser un ennemi depuis le haut d’une tour ou de se perdre dans des labyrinthes en trois dimensions aux couloirs ascendants et descendants… Graphiquement, les choses étaient également plus agréables à regarder, même si les animations n’étaient pas toujours des plus fluides. Tout comme dans Arena, la succession de la nuit et du jour et des différentes conditions climatiques pouvait émerveiller le joueur. Les extérieurs étaient aussi, du fait de l’apparition du relief, nettement plus intéressants à visiter, même s’ils se révélaient un peu vides aux promeneurs hors des sentiers battus. Toujours d’un point de vue technique, Daggerfall proposait une bonne dose d’aléatoire en matière de quêtes et d’exploration. A l’exception de certains lieux prévus par le scénario, les donjons se concevaient au moment où vous y posiez le pied. Ce petit plaisir était supposé amener le joueur à pouvoir recommencer une partie sans toutefois se voir repasser les mêmes plats. Mais l’inconvénient est que l’objet ou le personnage recherché dans un donjon pouvait se trouver assez près de l’entrée, rendant inutile l’exploration méthodique si chère aux aventuriers.

Du point de vue du scénario, justement, vous incarniez un ami proche de l’Empereur. Celui-ci, plaçant sa confiance en vous, vous chargeait de deux missions : retrouver la trace d’une lettre envoyée à un notable et comprendre pourquoi le fantôme de l’ancien roi Lysandus hantait la cité de Daggerfall à la nuit tombée, criant « Vengeance ! ». De par votre position plus huppée dans les milieux politiques de la région, vos quêtes allaient plus souvent que par le passé vous amener à démêler des intrigues de palais, tout en n’oubliant pas que vous pouviez aller chercher fortune auprès des guildes, des temples ou des particuliers. Les quêtes secondaires, gérées par un moteur spécial et aléatoires, avaient un côté répétitif, mais leur nombre offrait au jeu une durée de vie exceptionnelle. Et si jamais vous en aviez fait le tour, rien ne vous empêchait de tenter votre chance sous la forme rustre d’un lycanthrope ou celle, raffinée mais contraignante, d’un vampire…

Mais une fois de plus, nous l’avons vu, Bethesda Softworks se faisait remarquer négativement par le nombre assez incroyable de bugs. Souvent, votre personnage se retrouvait collé à une paroi, tombait dans le vide au détour d’un couloir… Vos adversaires se retrouvaient paralysés ou marchaient dans les airs sans l’aide d’un sortilège… Les boules de feu traversaient les portes fermées et les quêtes n’étaient parfois pas réalisables… Une fois de plus, la bonne fée patch allait passer par là, rendant Daggerfall parfaitement jouable (quoique les forums résonnent encore de cris de désespoir). Et les regards de se tourner une nouvelle fois vers l’avenir en entrevoyant la perspective alléchante d’un troisième volet…

2002 - The Elder Scrolls : MorrowindRetour au sommaire
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Plus de chevaux dans Morrowind, mais des transports en commun plutôt étranges...
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Sobre et efficace : les Elder Scrolls abandonnent le dessin en pochette.
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Ne jugez pas que par le climat. Il fait bon se promener sur Vvardenfell.
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L'architecture de certains villages de l'île assure un max question dépaysement !
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Lentement, la ville s'endort... Mais vous restez en éveil !
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L'île de Vvardenfell : petite mais regorgeant de lieux inédits.
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La finesse de certaines armures a de quoi laisser pantois.
C’est en 2002 que Bethesda Softworks toucha à l’excellence. Bon. C’est sans doute un peu exagéré, car le jeu est aujourd’hui dépassé. Mais il en va ainsi de chaque titre en matière de jeu vidéo qu’il est dépassé quelques mois seulement après sa sortie. On n’arrête pas le progrès. Mais il faut bien avouer que Morrowind fut un incontestable coup de maître. Et, une fois n’est pas coutume, le jeu se permettait le luxe d’être quasiment exempté de bugs par trop déconcertants. Il en restait bien entendu l’un ou l’autre, mais rien qui empêchait le joueur consciencieux de terminer la quête principale. Fidèle à sa ligne de conduite prônée lors du développement de Daggerfall, la série allait une nouvelle fois réduire le terrain des opérations. Ici, d’une baie baignant de nombreux fiefs, on passait à une île dont on pouvait faire le tour en une heure de temps, de long en large. Pas n’importe quelle île, certes… La très volcanique Vvardenfell, en Morrowind, terre mère des Elfes Noirs, popularisés depuis la série de romans de R.A. Salvatore (ceux qui ne connaissent pas Drizzt Do Urden reviendront en septembre). Mais une île. Une seule. Bien sûr, cette étroitesse d’horizon a été compensée par une profondeur et une qualité graphique encore accrue.

Désormais, chaque brin d’herbe ou presque était devenu un objet de l’univers de jeu. Le personnage pouvant cueillir des fleurs ou des champignons lors de ses escapades en extérieur afin de concevoir potions et filtres divers ou d’alimenter sa besace en ingrédients de sortilèges. Les maisons étaient aménagées et décorées de façon fonctionnelle, avec des assiettes sur les tables, des couteaux, des livres dans les bibliothèques… Et bien entendu, chacun de ces objets pouvait être pris par le personnage, repoussé ou tomber au sol. De surcroît, l’illusion de vie sur Vvardenfell était très poussée. On pouvait se choisir un poste d’observation surélevé et regarder les gens vaquer à leurs occupations. Illusion, bien sûr. Mais la magie opérait tout de même. Toujours dans le soucis de coller le mieux possible à l’actualité technique du moment, Morrowind proposait un moteur 3D de très bonne facture, gérant à merveille les lois physiques, mais aussi la lumière. Il allait devenir intéressant de brandir une torche lors de vos escapades nocturnes ou dans de sombres souterrains. Le jeu gagnait ainsi en réalisme. En comparaison, Medal of Honor – Débarquement Allié est sorti lui aussi en 2002. Et graphiquement, il n’y a pas eu photo.

Techniquement, Morrowind était au point. Assez gourmand pour l’époque, peut-être. Et pas exempt de défauts, non plus. Mais globalement satisfaisant dans le pire des cas. Musicalement, on accédait aussi à une dimension grandiose, épique, grâce au travail fabuleux de Jeremy Soule, alors que jusqu’alors, le volet sonore de la série des Elder Scrolls était plus anodin. C’est qu’en la matière, le monde du jeu avait bien progressé en six ans… Graphiquement, le simple fait de signaler que l’on pouvait s’extasier à faire jouer le reflet du soleil sur la lame de son épée devrait suffire à révéler le niveau atteint. Mais le plus intéressant avec Morrowind a vraiment été la définition du monde et sa personnalité. Le temps d’une partie, on se croyait vraiment téléporté dans un monde cohérent, affichant un style et une âme qui lui étaient propres. Le regard méfiant des autochtones, l’architecture typique, les extérieurs sauvages, les créatures étranges (comme ces méduses volantes) et votre implication réelle dans l’univers du jeu… Tout cela se combinait pour faire de Vvardenfell un havre de plaisirs pour joueurs en manque d’aventure et de dépaysement.

On a parlé d’implication car votre personnage se retrouvait au centre du scénario, et non plus l’exécutant de quelque puissance supérieure. Comme dans Arena, c’est d’une cellule que tout partira (une habitude dans la série, puisque ce sera aussi le cas dans Oblivion). Celle d’un bateau convoyant des détenus en Morrowind. Mais sur demande expresse de l’Empereur, on vous libère, vous chargeant d’aller remettre un paquet à quelqu’un, dans un village proche. Vous allez alors travailler (un temps, du moins) pour les Lames, la garde personnelle et le service secret de l’Empereur. Une prophétie remettant en cause l’autorité de l’empire sur la province de Morrowind inquiétait ces messieurs de la Cité Impériale et il vous revenait d’y mettre bon ordre… Bien entendu, le grand héros de la prophétie, il se peut que ce soit vous… Mais l’implication allait plus loin encore, car il vous était possible de vous investir dans les institutions politiques et économiques de Vvardenfell. Qu’il s’agisse des grandes familles locales, les Maisons, ou des Guildes, ou encore de factions rivales, votre personnage pouvait se hisser assez haut au sein de chacune d’elle pour en devenir un membre influent.

Par contre, on déplore dans Morrowind certains pas en arrière… Ainsi, il était devenu impossible de se déplacer à cheval ou encore de s’acheter une maison. Pour le cheval, cela pouvait s’expliquer par le statut insulaire de Vvardenfell et par la portion congrue de terres à explorer. Mais s’il était possible de s’établir quelque part après en avoir chassé les propriétaires légitimes, la perte du droit de propriété ne pouvait que décevoir. Que faire de tout cet argent amassé dans les grottes et les ruines, chapardé ou honnêtement gagné ? S’acheter de l’équipement… Mais le système du jeu était ainsi fait qu’il était possible de trouver mieux en mission que dans les commerces. Pourtant, on ne pouvait pas vraiment parler de défauts, tant le jeu était une pure merveille et offrait de possibilités. On oubliait très vite ces petits désagréments pour aller de l’avant. Encore aujourd’hui, certains joueurs continuent de pratiquer Morrowind au détriment d’Oblivion, son successeur. C’est tout dire. D’un point de vue intrinsèque, le système de règles de Morrowind a changé. Désormais, c’est la pratique qui remplace l’expérience. C’est en utilisant une compétence que l’on se perfectionne, même s’il reste possible d’attribuer des points dans ses caractéristiques. Une révolution intelligente qui allait favoriser des personnages touche à tout lents à la progression ou, au contraire, uniquement doués pour ce qu’ils font le mieux. Les choix du joueur dans sa façon d’aborder ses actions devenaient donc cruciaux. Une responsabilisation bien venue car trop rare dans les jeux de rôle.

On se doit de rappeler aussi que Morrowind était fourni avec un outil de création de mod, le TES Construction Set. Pas aussi aisé à prendre en main que l’Aurora de Neverwinter Nights, mais assez simple pour permettre de petites retouches aux moins doués des programmeurs. Pour les plus doués (et les plus patients), il devenait dès lors possible de créer une nouvelle île, à coté de Vvardenfell, ou d’implanter sa propre demeure quelque part sur les terres… Enfin, pour être vraiment complet, Morrowind a compté deux suppléments officiels (et payants) : Tribunal et Bloodmoon. Le premier offrait une nouvelle campagne, parallèle à l’histoire principale, sur Vvardenfell tandis que le second proposait une nouvelle île, au nord, où se tramaient de sombres machinations et où vivaient des nordiques et des lycanthropes. Ainsi doté de ses deux extensions, Morrowind est sans doute le jeu de rôle le plus complet et à la durée de vie la plus conséquente de l’univers vidéoludique.


2006 - The Elder Scrolls : OblivionRetour au sommaire
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Une porte d'Oblivion. Mais pas de paillasson.
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La modélisation des visages est plutôt satisfaisante.
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Les dialogues sont toujours instructifs. Et la majorité est aussi sonore !
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Admirez le paysage... On ne s'en lasse pas.
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Ce n'est qu'en arpentant la nature sauvage que l'on fait des découvertes...
Autant dire que pour succéder à un tel concurrent, le quatrième volet des Elder Scrolls allait devoir viser haut. C’est en 2006 que les fanatiques de la série allaient pouvoir se jeter sur Oblivion, la suite tant attendue d’Arena, de Daggerfall et de Morrowind. Comme à l’accoutumée, plus le jeu gagne en définition, plus le territoire proposé s’en trouve réduit. Ici, c’est aux alentours de la Cité Impériale que se déroulera l’histoire. Cinq ou six grandes villes (plus des villages fortifiés, en fait) et quelques cottages isolés rassemblent la population de cette région, distants les uns des autres par une dizaine de minutes de marche. C’est peu, mais cela reste beaucoup, compte tenu du degré de profondeur atteint. Une fois encore, l’univers est composé de milliards d’objets, aussi bien en extérieur qu’en intérieur. Et désormais, les arpenteurs de Tamriel vont pouvoir s’adonner à la joie de la randonnée sylvestre, en traversant des bosquets plus ou moins clairsemés. Oblivion, s’il ne propose pas encore de jungle impénétrable, est tout de même le plus boisé des épisodes de la série. Une belle prouesse technique en pleine résolution… Le jeu est d’ailleurs très gourmand, mais même si sa gourmandise est justifiée, ce n’est jamais un bon point.

Techniquement, Oblivion s’est élevé un cran au-dessus de Morrowind, mais pour une fois, il n’est plus le leader du beau graphisme dès sa sortie. Pourtant, c’est très beau à regarder et à jouer. Et le monde est incontestablement plus fouillé que n’importe quel jeu paru jusqu’à l’heure de la rédaction de cet article. Une autre innovation de taille dans le quatrième volet de la série est l’aspect nettement plus grand public qui y prévaut. Non que les Elder Scrolls aient été austères jusqu’à présent, mais ils usaient et abusaient des mécanismes du jeu de rôle : à savoir que les actions étaient la plupart du temps réglées par des « jets de dés » virtuels. Les développeurs ont cette fois intégré de petits jeux d’adresse ou d’observation dans la résolution de certaines actions, comme le crochetage ou la persuasion. Ces intermèdes sont les bienvenus, même s’ils peuvent hérisser certains puristes du jeu de rôle. En effet, c’est le talent du joueur qui prévaut dès lors sur celui du personnage.

Du point de vue de son histoire, Oblivion ne joue pas franchement la carte de l’originalité. L’Empereur est assassiné sous vos yeux par les membres d’une secte mystérieuse. Privé de son chef, l’empire est exposé au chaos et des portails vers les enfers (Oblivion) s’ouvrent un peu partout. Il vous faudra donc retrouver l’héritier secret du trône et l’amener à remettre de l’ordre dans la province impériale. Pour ne pas changer une formule qui gagne, c’est dans une cellule que vous vous éveillerez pour la première fois. Précisément la cellule par laquelle, via un passage secret, l’Empereur tente de s’enfuir. The Elder Scrolls, la série pour repris de justice ? Il va de soi que le nombre de quêtes secondaires est une nouvelle fois impressionnant et que vous pouvez, comme dans Morrowind, vous choisir différentes orientations afin de gravir les échelons de la réussite sociale dans le jeu. On notera avec un certain plaisir le grand retour des montures, des chevaux, même si l’aspect vallonné du territoire proposé aurait sans doute plus inspiré des mules.

Par certains aspects, la jouabilité d’Oblivion a été améliorée par rapport à celle de Morrowind. Du point de vue du combat, par exemple, le simple fait de pouvoir attaquer avec un bouton de la souris et parer avec l’autre (même si votre parade n’est pas nécessairement efficace, tout dépendant de votre talent en la matière) rend chaque affrontement très intéressant. On peut enfin éviter de se ruer tête baissée contre un ennemi en espérant lui porter le coup fatal avant de le prendre soi-même. On s’observe, on se tourne autour et on frappe au moment que l’on juge le plus opportun. Cela reste du jeu de rôle et pas du FPS, mais la frontière n’aura jamais été aussi ténue. Après tout, un joueur avide uniquement de hack’n’slash pourrait très bien trouver son compte dans Oblivion, à condition de ne pas s’arrêter pour parler aux gens. La jouabilité est d’ailleurs accrue par l’immersion, en parlant de… parler. L’illusion de la vie dans la province impériale est excellente et durable. Il vous suffit de pratiquer la bonne vieille tactique de l’auberge pour vous en rendre compte. Quoi ? Vous ne savez pas ce qu’est « la bonne vieille tactique de l’auberge » ? On voit bien que vous n’avez jamais joué au « vrai » jeu de rôle… Elle consiste à s’asseoir à la table d’une auberge et à écouter les conversations pour en apprendre d’avantage, parfois, qu’en questionnant directement le quidam. Les gens se parlent entre eux, se réunissent dans les restaurants aux heures des repas, vont se coucher à leur domicile ou à l’auberge à la nuit venue, sauf ceux qui ont encore des raisons de veiller, bien entendu… Les gardes font leurs rondes et attaquent les monstres à vue… Tout cela participe à faire de Tamriel un monde que l’on ne veut pas quitter, une fois la partie commencée. Ce qui est toujours gage d’un bon jeu.


Et maintenant ?Retour au sommaire
et-maintenant
Il reste encore beaucoup à découvrir sur Tamriel...
Rien n’est jamais vrai trop tôt ni longtemps en matière de jeux vidéo… La rumeur circule selon laquelle il n’y aurait pas de cinquième volet à la série des Elder Scrolls. Faut-il lui donner du crédit ? Il est vrai que les indices sont là : si le prochain opus réduit encore son territoire, on va finir par ne plus quitter la ville du tout… Et puis, que peut-il encore arriver au monde de Tamriel ou à son Empereur ? Des tas de choses, bien sûr… Mais la série n’a pas eu droit à son final, et chaque saga épique se doit d’en avoir un digne de ce nom. Alors, que nous réservent les gars de chez Bethesda Softworks ? Une adaptation au MMO ? Pas certain, même si ce genre de jeu gagne chaque année de nouvelles parts de marché. Mais c’est une possibilité. Une exploitation complète de la licence avec un jeu de stratégie ? Pas sûr non plus… Les grandes batailles n’ont jamais vraiment eu la part belle dans les histoires de Tamriel. Un homme seul réussissant souvent aussi bien qu’une armée. Maintenant, il semble évident que l'on ne va pas en rester là. Peut-être, tout simplement, la série se terminera-t-elle en donnant naissance à un nouvel univers où le talent des développeurs s’exprimera de plus belle… C’est tout ce qu’on leur souhaite !
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