Malgré une nouvelle classe réussie et un contenu conséquent, l'extension Mists of Pandaria affiche un clair manque d'inspiration et peine à renouveller le MMO de Blizzard.
Plus que jamais depuis sa sortie en 2004, World Of WarCraft a fort à faire pour convaincre qu'il a su rester dans le coup. Lesté par un
game design vieillissant, le MMO de Blizzard doit maintenant faire face à la concurrence féroce du fringant Guild Wars 2, à la progression autrement plus fluide et dynamique et, surtout, sans abonnement.
La contre-attaque de Blizzard n'a pas tardé, sous la forme de l'extension Mists Of Pandaria, forte d'une nouvelle race (les Pandarens), d'une nouvelle classe (le Moine) et d'un continent inédit, librement inspiré de la Chine traditionnelle. Suffisant pour remotiver son joueur ? Rien n'est moins sûr : à plusieurs égards, le dernier jeu de Blizzard frappe par son manque d'ampleur et se profile comme
la plus décevante des extensions de World Of WarCraft.
Pour les joueurs de niveau 85, l'entrée dans Mists Of Pandaria se joue sur fond de
guerre entre la Horde et l'Alliance : un nouveau continent - la Pandarie - vient d'être découvert et devient l'objet de toutes les convoitises ainsi que le front d'une guerre sans merci. On s'imagine d'abord que la progression racontera l'histoire de ce conflit renouvelé ; il n'en est rien. Le joueur fait vite la rencontre du peuple Pandaren, un moment charnière qui fait
basculer le récit vers une lutte anodine contre les diverses menaces locales : soit une grosse occasion manquée d'exploiter le potentiel épique de l'amorce narrative. De la confrontation entre les factions d'Azeroth et les Pandarens, les quêtes ne tirent rien de consistant : la piste de la « colonisation » sauvage est vite abandonnée au profit d'une histoire ultra lisse, sur fond de spiritualité
light.
Par exemple, le récit de l’élévation « spirituelle » du joueur sous la tutelle des maîtres moines locaux se réduit à de
courtes quêtes stéréotypées, sans aucune profondeur narrative ni invention ludique ; le reste du temps, on se verra proposer de sauver des villageois de la menace d'une faune locale ou de tribus ennemies (ici des Singes, là des Mogus, etc.), pour autant de quêtes au souffle court.
S'il ne faut pas attendre d'un MMO qu'il fasse de son histoire une priorité, les précédentes extensions bénéficiaient au moins d'un fil rouge - le cataclysme déchirant Azeroth, la guerre contre le Roi Liche - source d'un frisson épique occasionnel qui fait ici cruellement défaut.
L'éclatement du récit en petites histoires sans conséquences font de Pandaria une extension aux enjeux quasi inexistants, alors même que ses thèmes - découverte d'une nouvelle civilisation, spiritualité et mysticisme - semblaient prometteurs : une occasion manquée qui touche jusqu'au design des zones elle-même, globalement décevantes.
Basée sur le thème de la Chine traditionnelle,
les régions du nouveau continent soufflent le chaud et le froid. Les zones les plus réussies s'inspirent avec goût de l'esthétique asiatique, comme le sommet Kun-Lai, belle avancée montagneuse « himalayenne » sertie de temples et conifères suspendus au vide. La forêt de Jade, aux saillies rocheuses verdoyantes maculées de cascades et de lacs est, elle,
aussi enchanteresse que d'autres régions sont ratées : des zones comme les Étendues sauvages de Krasarang relèvent du bâclage artistique pur et simple, ternissant la cohérence visuelle de l'ensemble. Soyons honnête : les zones de qualité fluctuante sont depuis toujours une constante dans World Of WarCraft ; mais elles trouvent ici une résonance particulière avec l'histoire en
patchwork, aux même airs de bricolage sans inspiration.
De manière générale, les nouvelles régions peinent à surprendre et à distiller leur « exotisme »,
la faute à un level-design archi-classique qui n'invente aucune topographie nouvelle. Autre motif de déception, les zones sont relativement petites et font vite se sentir à l'étroit : impossible de se perdre dans la majesté d'un décor de montagne ou l'étendue d'une vaste plaine. Doit-on y voir le signe que le vétuste moteur de WoW atteint ses limites ? Pas forcement puisqu'à technique égale, le continent du Norfendre (extension Wrath Of The Lich King) accouchait d'environnements nettement mieux construits. Du reste, mis à part l'
amélioration du rendu de l'eau et de la lumière dont profitent certains point de vue, le retard technique accusé par ce Mists Of Pandaria ne l'aide pas à se relever.
Si l'exploration de Pandarie laisse un arrière-goût amer, le
gameplay en lui-même n'en demeure pas moins solide, une
qualité pas démentie par le moine, nouvelle classe de cette extension. À l'image du druide ou du paladin, elle offre le choix entre trois spécialisations -
tank, DPS mêlée, soigneur - sur fond de « kung fu » et de magie. Dans sa branche DPS, le moine bénéficie d'une nouvelle jauge de
Chi : remplie avec le coup « de base », elle permet ensuite d'exploiter les coups spéciaux lors de furieux
combos à main nue.
Tout aussi intéressant à jouer, le moine soigneur adopte une
approche basée sur le soin de proximité, plutôt que sur le sort ciblé : il faudra par exemple rester au contact du boss pour gérer la santé d'un
tank lors d'un raid. Ce nouvel angle rafraichissant vaut également pour le moine
tank : adepte de la « boxe de l'homme ivre », ce dernier a recourt à divers breuvages alcoolisés
qui lui confèrent buffs courts et autres options de reprises d'aggro.
Toutes ces branches partagent en outre une même base de coups en mêlée figurés par des animations soignées, pour un ressenti satisfaisant en combat : une vraie réussite, que les joueurs pourront pratiquer
en montant un Pandaren, sympathique nouvelle race mi-homme, mi-panda bercée de spiritualisme, de discipline monacale et d'alcool fort - rappelons qu'ils pourront choisir au terme des leur zone de départ (une île tortue) de rallier l'Alliance ou la Horde au choix, une première dans le MMO de Blizzard.
Autre nouveauté majeure de cette extension,
l'arbre des talents est remplacé par un nouveau système rappelant celui de Diablo 3. Plus besoin de rendre visite à l'instructeur à chaque
level up, le joueur accèdera tous les quinze niveaux à un nouveau seuil de talents et devra en choisir un parmi les trois proposés. Si ce nouveau système clarifie les options de jeu, les joueurs épris de
theory crafting n'y perdront pas forcément au change :
la notion de choix reste prépondérante et les combinaisons, nombreuses. À l'époque de l'arbre des talents, ce choix consistait parfois trop à éviter les compétences inutiles. Ce nouveau système offre au contraire de tailler son style de jeu selon sa préférence.
Si simplification il y a, elle concerne plutôt la difficulté : outre la progression du niveau 85 au 90, pliée en une cinquantaine d'heure, ce crédo de l'accessibilité s'applique aussi aux instances (4 en normal, 9 en héroïque)
pour la plupart dénuées de challenge véritable. Cette difficulté revue à la baisse émane d'une volonté avouée de ne pas frustrer la majorité des joueurs ; mais elle est aussi la conséquence de boss plus routiniers que jamais :
avares en situations inédites et globalement peu spectaculaires, ces derniers font même regretter ceux de l'époque Cataclysme (pré nerf), capable de dérouler quelques
pattern mémorables. Il faut attendre les raids (cinq au total) et le mode défi pour se piquer d'un challenge digne de ce nom ; au sujet de ce dernier, rappelons qu'il propose de terminer une
instance difficile en un temps limité, avec pour contrainte supplémentaire un équipement pré-défini. Des médailles de bronze, d'argent et d'or gratifieront alors les meilleurs performances, avec des récompenses prestigieuses à la clef (montures et set d'armures).
Entre les maigres enjeux scénaristiques, les zones en demi-teinte et la difficulté revue à la baisse, que reste-t-il à Mists Of Pandaria ? Si la progression jusqu'au 90 se vit parfois comme une corvée (quêtes de facteurs et génocides de bestioles à répétition), le niveau maximal s'ouvre sur pléthore de quêtes journalières et réputations à monter :
une équation addictive à l'efficacité mécanique éprouvée, quand bien même ce contenu se montre plus bourratif que réellement novateur. À leur meilleur, les quêtes journalières se révéleront parfois sympathiques : l'une d'entre elles propose par exemple de jouer les fermiers - du labourage d'un champs à la récolte des graines - quand une autre demande de nourrir un bébé dragon jusqu'à l'âge adulte.
Nouveauté du cru, le
mode scénario propose une série de sept évènements en zones instanciées : on en fera le tour assez vite, mais ils offrent tout de même une distraction ludique au
farming quotidien. Outre les deux nouveaux champs de bataille et la nouvelle arène pour le versant PvP, on apprécie également l'idée du marché noir, alimenté par Blizzard en objets rares (armures et mascottes introuvables) sur le mode de l'enchère. L'ajout le moins heureux reste le
combat de mascottes au tour par tour (façon RPG japonais), qui s'avère extrêmement répétitif, stratégiquement limité et finalement peu gratifiant - les mascottes restent des mascottes, ni très jolies, ni très attachantes.
Tout bien considéré,
le haut niveau nous a semblé remplir son contrat minimum et devrait garantir aux joueurs les plus voraces de quoi s'occuper sur la durée. Pour autant, la progression en elle-même n'est pas un pur calvaire, et
profite de quelques embellies qui dessinent en creux ce que Pandaria aurait pu être : dans la région de la Vallée des Quatre-Vents, le jeu semble enfin assumer l'abandon de son angle épique au profit d'une atmosphère bucolique, entre villages et rizières. Le temps de quelques heures, la progression s'y modèle sur le rythme de la quotidienneté paysanne, aussi prosaïque que rafraichissante, car s’immisçant au plus près de la vie et culture Pandarens :
Mists Of Pandaria y gagne paradoxalement certains de ses meilleurs moments, jamais meilleur que lorsqu'il tourne résolument le dos à ses prétentions épiques pour plonger dans la consistance de son monde.
Décevante sur le plan de ses maigres enjeux narratifs comme de ses nouvelles zones, inégales, l'extension Mists of Pandaria aligne une progression sans invention ludique majeure jusqu'au niveau 90. Beaucoup trop routinier, le
leveling ouvre certes sur un contenu à haut niveau fourmillant de petites activités sympathiques - pléthore de quêtes journalières, nouveau mode scénario engageant. Mais ces dernières, instances comprises, se révèlent globalement très faciles, et les joueurs
hardcore devront attendre les raids et instances en mode défi pour renouer avec le challenge. Si la classe moine, réussie, motivera peut-être à relancer un personnage, reste cette impression que World Of WarCraft se retrouve vidé d'une partie de sa substance, le souffle court : il n'est pas dit qu'une telle extension, dénuée de mordant et de supplément d'âme, sache conjurer la lassitude de ses joueurs très longtemps.
NB :
Le test a été réalisé à partir de la version bêta (patch 5.0.4) et sera mis à jour en cas de modification notable sur la version finale.
Configuration du PC de test : Processeur i7 2630 QM, Carte Graphique Radeon HD 6900M, 6 Go de Mémoire Vive
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